Mémoire et sommeil, un lien très étroit
En amont, le sommeil prépare le cerveau à apprendre, à encoder de nouvelles informations. Ultérieurement, il va consolider la mémoire de ces apprentissages pour en faire une mémoire stable et durable. Toutes les formes de mémoire sont concernées, mais chaque stade du sommeil joue un rôle assez sélectif. Lors du sommeil léger puis profond qui suit l’endormissement c’est la mémoire déclarative, faite de nos souvenirs et de nos connaissances, qui est consolidée. Lors du sommeil paradoxal, plus tardif, ce sera la mémoire procédurale, celle de nos habiletés motrices et perceptives.
Qualité du sommeil a une incidence sur la mémoire
Au cours d'un sommeil de 8 heures, le cerveau traverse plusieurs cycles de 90 minutes constitués chacun du sommeil léger, du sommeil profond puis du sommeil paradoxal. Des perturbations de la régularité de ces cycles ont des répercutions négatives sur les différentes formes de mémoire. Une réduction de la durée et
de la qualité du sommeil profond, sans modification du temps de sommeil total, entraîne un déficit de mémoire déclarative. À l’inverse, une amélioration de la qualité du sommeil profond, renforce cette forme de mémoire.
le sommeil évolue avec l'âge et avec la mémoire
La durée totale du sommeil et de chacun de ses stades évolue au cours de la vie. Des relations entre cette évolution et celle de la mémoire ont été avancées, notamment au cours du vieillissement.
Parallèlement au déclin modéré de la mémoire des évènements récents, le vieillissement s’accompagne d’une réduction de la durée et de la qualité du sommeil profond. On a identifié une petite région
cérébrale dont l’atrophie serait directement responsable de cette réduction dont l’une des conséquences est d’affaiblir la consolidation de la mémoire déclarative. Les troubles du sommeil liés à l’âge pourraient aussi exacerber les dégénérescences cérébrales de la maladie d’Alzheimer qui conduisent à des troubles très
sévères de la mémoire.
Répercussions du manque de sommeil sur la mémoire
Outre une dégradation de la consolidation, le manque de sommeil réduit l’aptitude à acquérir de nouvelles informations en mémoire déclarative. Le fonctionnement du cerveau d’un adulte jeune qui est en train d’apprendre ressemble alors à celui d’une personne âgée. Ultérieurement, la mémoire de ce qu’il a appris restera déficitaire, même s’il récupère de son manque de sommeil. Même chez une personne jeune qui dort normalement, il y a un déclin progressif des capacités d’acquisition entre midi et le soir. Une sieste – suffisamment riche en sommeil profond - effectuée en cours d’après-midi restaure, le soir venu, des capacités d’acquisition optimales.
Les bénéfices du sommeil sur la mémoire
On a longtemps pensé que le sommeil ne faisait que fixer en l’état les mémoires nouvellement formées tout en les renforçant, d’où le terme de consolidation. On sait maintenant qu’il transforme « intelligemment » leur contenu pour les rendre plus efficaces.
Notoirement, le cerveau endormi effectue un tri entre les informations mémorisées qu’il conserve (ou élimine) en fonction de leur utilité future. Il les incorpore aux mémoires préexistantes ce qui permet un enrichissement et une structuration des connaissances. Concrètement, il est établi qu’une nuit de sommeil fournit la solution à un problème, affine une connaissance topographique, améliore la mémoire des « choses » à faire (planification) ou, s’agissant de la mémoire procédurale, remplace littéralement une séance entraînement.
De quoi se souvient-on pendant le sommeil ?
On ne peut pas dire à proprement parler que nous nous souvenons, mais tout indique que notre cerveau répète ou rejoue, sans que nous en soyons forcément conscients, les événements récents auxquels il a été confronté. Les circuits cérébraux récemment activés lors de l’encodage de nouvelles informations sont spontanément réactivés pendant le sommeil profond, comme si le cerveau révisait ce qu’il a appris.
L’intensité des réactivations cérébrales hypniques «prédit» la mémoire du lendemain. Chez l’homme, la présentation de bruits ou d’odeurs initialement associées à un apprentissage potentialise ces réactivations et améliore la mémoire de l’apprentissage.
Une mémoire en veille pendant le sommeil
Pendant le sommeil, la mémoire peut être réactivée. Pour autant, elle n’est pas non plus active comme elle l’est pendant l’éveil puisque, dans l’expérience dont nous venons de parler, les sujets ne se souviennent pas que les bruits ou les odeurs - précédemment associés à ce qu’ils apprenaient - leur ont été présentés pendant leur sommeil. D’ailleurs, il est bien établi que diffuser un enregistrement pendant que l’on dort ne permet pas d’en apprendre le contenu.
D’une manière générale, le cerveau endormi n’encode ni ne restitue – sinon de façon très marginale pendant le sommeil paradoxal - les informations qu’il reçoit ou a mémorisé. Nous dirons qu’il « révise ».
Les rêves, le reflet de la mémoire
On pense généralement que les rêves sont, au moins en partie, le reflet conscient des réactivations cérébrales correspondant à la mémoire des expériences récentes. Lors des phases de sommeil léger et profond, les rêves contiennent des images « réalistes » correspondant à des fragments d’apprentissages récents. Ces images sont incorporées de façon apparemment anarchique à d’autres souvenirs, d’autres connaissances qui, au cours du sommeil paradoxal s’expriment sous une forme plus abstraite et riche en émotions. On ne voit pas sur quoi, autre que nos mémoires, les rêves se construiraient.
Mais savoir s’ils contribuent par eux-mêmes à consolider, transformer et faire évoluer notre mémoire, la charge émotionnelle de nos souvenirs, ou encore à alimenter notre créativité est une tout autre question.